L’ Express Belgique (Jeudi 11 Octobre 2002)


La chronique De Jean Sloover 

La démocratie en débat

 

Absentéisme électoral et vote protester: la démocratie représentative estelle en crise ? 

La représentation politique est en crise. Des citoyens se réfugient de plus en plus volontiers dans l’absentéisme électoral ou le vote protestataire. Mais s'agit-il d'un repli sur la sphère privée ? Ne peut-on pas regarder ce phenomenon comme le signe d'une insatisfaction a I'égard des limites de la démocratie représentative ? N’est-il pas la manifestation d'une exigence démocratique nourrie par l’incapacité du cadre institutionnel a organiser la souveraineté du peuple ? Comment expliquer sinon la multiplication des pratiques participatives qui se développent en marge des mécanismes politiques << officiels >> ? Pour Antoine Bevort (1) la responsif ne fait aucun doute : c'est moins l’intérêt pour la Cite qui s'érode que la confiance dans l’autorité des élus qui s'étiole.C'est a tort, écrit-il, que I'on identifie la démocratie représentative.Celle-ci n'en est qu'une version abâtardie qui traduit une méfiance vis-à-vis de la    la nature humaine. Elle considère en effet que les citoyens sont incompétents lorsqu'il s'agit de délibérer, de prendre des décisions ou d'exercer des fonctions publiques et que ces responsabilités doivent des lors être réserves a des professionnels. En réalité, la démocratie représentative a a peine entame le processus démocratique, estime l’auteur : elle doit d'urgence être complet par des techniques délibératives actives dont certaines existent déjà (repas de quartier, budget participatif, forums citoyens, referendums locaux, collectifs civiques, etc.). L’émergence de cette démocratie participative n'est rien d’autre, selon lui, que la condition de l’efficacité de nos institutions. 

Un autre essayiste,Takis Fotopoulos, partage en partie ce diagnostic, mais récuse ses conclusions (2). Pour lui, l'avènement conjoint de I'économie de marche et de la démocratie représentative a opère une séparation radicale entre gouvernants et gouvernes. Depuis la mondialisation néolibérale, cette rupture aboutit irréversiblement a une concentration du pouvoir dans les mains d'une élite transnationale. L’intervention de l’Etat dans le domaine social et économique n'a été qu'une phase temporaire du processus séculaire d'extension territoriale des activités marchandes concurrentielles : pour continuer a croître, le capitalisme se devait de faire sauter, avec la complicité des Etats, les formes nationales de contrôle social qu’ils avaient imposées aux entreprises. 

Depuis que ce programme est virtuellement réalise, le sort des peuples dépend d'une oligarchie sans contre-pouvoir. D'ou une crise économique, politique, sociale, culturelle, idéologique, écologique universelle. Celle-ci étant née du cadre institutionnel existant, il n'est, selon Fotopoulos, aucune voie de salut dans un approfondissement de la démocratie représentative, si complaisante pour les nantis. Ceux qui, comme Antoine Bevort, choisissent l’adjonction d’instruments participatifs pour remédier au marasme de la représentation sont donc dans l’erreur : il n'est d'autre alternative que l’instauration d'une démocratie générale qui, en abolissant la répartition inégale du pouvoir et en étendant l’espace public aux domaines économique et social, mette enfin en oeuvre l’autonomie collective et individuelle.

On ne partagera sans doute pas facilement ce long plaidoyer au doux parfum d'utopie libertaire. Une société décentralise fondée sur une confédération de communautés humaines, gérées sur le principe de la démocratie directe et de la citoyenneté active inspirée par l’antique république athénienne, est-elle sérieusement concevable dans le monde qui est le notre ? De plus, comment migrer vers une telle organisation ? L’auteur reconnaît luis-meme que l’économie de croissance internationalisée n'est pas massivement contestée et qu'elle est compatible avec une société duale. Il reste que ce débat a le mérite de rappeler que, espace d'autodétermination, la politique n'est pas une science réserve aux seuls savants. Et que, pour ordonner cette gestion de la Cite par elle-même, la démocratie libérale n'est pas un horizon indépassable.

 

(1) Pour une démocratie participative, Presses de Sciences Po, 130 pages 

(2) Vers une démocratie générale, Seuil, 250 pages.

 

 

www.inclusivedemocracy.org/fotopoulos

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(1) Pour une démocratie participative, Presses de Sciences Po, 130 pages 

(2) Vers une démocratie générale, Seuil, 250 pages.

 

 

www.inclusivedemocracy.org/fotopoulos